Cela fait maintenant deux années que l’Ukraine, partie intégrante de l’Europe en terme idéologique, est plongée dans l’horreur d’une guerre menée sans la moindre humanité par des esprits despotiques et schizophrènes, nostalgiques de ce soviétisme féroce peu éloigné des dépravations staliniennes. Cette partie de la population russe, conduite par un dirigeant victime de paranoïa compulsive, ne reflète pas pour autant le ressenti de l’ensemble de la population russe. L’actualité nous en a fait la démonstration à l’occasion de l’exécution et l’enterrement Alexeï Navalny, admirable opposant qui a donné sa vie au nom de cette condition sublime, cette « Liberté » à laquelle nous sommes tous si attachés.

L’héroïsme dont a fait preuve Alexeï, que nous pouvons associer à celui de Jean Moulin pour un combat semblable dans ses valeurs et son sacrifice, mérite notre admiration et notre reconnaissance, comme nous la devons à ces milliers de russes qui n’ont pas hésité à braver la répression pour venir se recueillir lors de l’enterrement d’Alexïe. Aussi, face au courage de ces russes objecteurs et par extension à celui des ukrainiens, l’humilité devrait nous inspirer un certain embarras de conscience dans notre frilosité à investir cette cause. Mais malheureusement et inévitablement, nul doute que nous nous contenteront de ce sentiment éphémère qui emporte les cœurs, pour rebasculer en peu de temps dans notre opulente amnésie collective. Et, c’est l’histoire qui se chargera à notre place de l’inscrire dans la durée. Les dizaines de milliers de morts victimes de cette atrocité guerrière et les conséquences que nous aurons à subir en cas d’échec de l’Ukraine seront là pour en témoigner et marquer notre temps de façon indélébile.

Mais en l’instant, rassurons nous, notre si confortable petit quotidien jusqu’alors épargné nous permet de vivre notre bonne inconsistance sereinement. Et puis, comme certains l’affirment, « il fait bon vivre » dans notre village, comme dans notre pays, comme dans notre Europe. Et ce ne sont pas les discours ambigus et peu engagés de nos chefs d’états qui pourraient nous inspirer la moindre lucidité. Ces mêmes gouvernants dont les déclarations se suivent et se trompent à des engagements souvent mal tenus ou tardant à être honorés correctement notamment en matière d’armement de l’Ukraine. Et leur incapacité à afficher unanimement une ligne claire et créer une coalition solide et déterminée ne peut qu’amener l’opinion public à la frilosité et la défiance pour toute implication, fut-elle noble et juste.

Alors, malgré les temps sombres qui nous attendent, allons nous messieurs les dirigeants européens comme chacun des citoyens, nous contenter de ce qui sera demain notre honte en restant fidèle à notre nature primaire et rester « impassibles comme dieu lui-même » face à l’insupportable ?. Fatalement, il faudra néanmoins à un moment ou à un autre rendre des comptes à l’histoire et aux générations à venir.

AB